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Le paritarisme : outil de construction sociale, il pourrait entrer dans une ère nouvelle


On appelle paritarisme la gestion des organismes sociaux par un nombre égal de représentants des salariés et des employeurs sans intervention de l’Etat. Tantôt au profit des salariés, tantôt à leur détriment, la gestion paritaire s’est heurtée, au cours de son histoire, à des obstacles qui ont rendu nécessaires certaines adaptations ou souplesses.



Des origines à la fin du XIXe siècle


Les premières caisses de retraite sont créées à l’initiative des employeurs, à la fin du XIXesiècle, dans les grandes entreprises industrielles.

La retraite n’est alors pas considérée comme un droit, mais comme une concession accordée par certaines entreprises pour fidéliser la main d’œuvre.

Très vite, les salariés essaient d’avoir leur mot à dire quant au montant des cotisations, la quote-part des entreprises et des salariés, la hauteur des garanties, les conditions de versement… dans le cadre d’arrangements informels.
A ce stade, l’Etat n’intervient pas.


Construction d’un cadre juridique


La multiplication des caisses à l’échelon local, départemental ou régional, engendre des inégalités entre salariés. L’Etat est alors contraint de légiférer et s’intéresse au sujet.

  • En 1898, une première loi autorise la constitution des caisses sous la forme mutualiste. Celles-ci sont soumises à une gestion tripartite où les représentants des assurés, des employeurs et de l’administration siègent à part égale.
  • En 1910 la loi sur les retraites ouvrières et paysannes dispose que les conseils d’administration des caisses d’entreprises doivent être composées de trois représentants du personnel et de trois représentants de l’entreprise.
  • En 1924, avec l’avènement du Cartel des gauches, les organisations syndicales obtiennent que les représentants de salariés occupent une place prépondérante au sein des instances dirigeantes des caisses de retraite.  
  • Les années 1930 sont marquées par l’émergence de caisses complémentaires destinées à pallier les insuffisances des caisses primaires.  Le patronat, gestionnaire de ces nouveaux dispositifs, s’en trouve conforté.


Après la Libération, un autre équilibre


Après la Libération et pendant les Trente glorieuses, le paritarisme se développe et concerne bientôt la gestion de la Sécurité sociale (la vieillesse, la maladie, la famille, les accidents du travail), de l’emploi (avec la création de l’Unedic en 1958), et de la formation professionnelle, dès le début des années 1970.

L’attitude du patronat durant la Seconde guerre mondiale contraint ses représentants à faire le dos rond. Les organisations de salariés prennent le leadershipdans les nouveaux organismes de protection sociale, en occupant 3/4 des sièges dans les conseils d’administration. Il faudra attendre la réforme d’août 1967 pour que la parité soit rétablie, au grand dam des organisations de salariés.

Durant cette période et au cours des années qui suivent, l’Etat veille au grain et continue d’intervenir dans la gestion des organismes paritaires, par la nomination de personnalités qualifiées et des directeurs, mais aussi en imposant des sujets de négociation, voire en légiférant lorsque patronat et syndicats ne parviennent pas à déboucher sur un accord.

Aujourd’hui, avec l’arrivée imminente d’un nouvel exécutif, les bouleversements du monde du travail consécutifs à la généralisation du numérique, l’émergence de nouveaux sujets de négociations, comme l’écologie, ou de nouveaux risques liés au changement climatique, et l’arrivée de nouveaux acteurs, le paritarisme pourrait entrer dans une ère nouvelle.

Patrice Le Roué

 

Révolutionner les relations sociales

Dès sa création en 1919, la CFTC a érigé le paritarisme, avec pour corollaire le dialogue social, comme principe premier de son action syndicale. Elle a donc œuvré à sa mise en place, à son développement et à son évolution au service du monde du travail, tout en veillant à ce que l’Etat reste à sa place de garant du bien commun, laisse jouer la subsidiarité et n’intervienne qu’en cas de nécessité.

Avec la nomination d’un nouveau gouvernement, elle exigera que les réformes nécessaires pour promouvoir l’activité se fassent dans le dialogue avec les partenaires sociaux, dans le respect du paritarisme et des intérêts de chacun et de tous, afin que soient garanties la paix et la justice sociale. C’est également cet objectif que vise la motion d’orientation adoptée au congrès de Vichy en novembre 2015 lorsque la CFTC appelle à la construction d’un nouveau contrat social.

Soucieuse de donner un nouvel élan au paritarisme, la CFTC appelle de ses vœux la création d’un comité paritaire permanent du dialogue social(C2PDS). 
Comme on peut le lire dans Vive le social 3.0de Philippe Louis, son président, ce C2PDS devrait « révolutionner les relations sociales en leur donnant un nouveau mode de fonctionnement, dans un lieu neutre (…) » 1.

1.Vive le social 3.0. !, Philippe Louis, Salvator, 2016 (p. 131).